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Optimiser votre patrimoine immobilier : la ventilation terrain/construction au cœur de votre stratégie fiscale

Optimiser votre patrimoine immobilier : la ventilation terrain/construction au cœur de votre stratégie fiscale

Maximiser ses profits immobiliers et construire un patrimoine solide, voilà l’objectif que poursuivent la plupart des investisseurs avertis. Cependant, au-delà de la simple acquisition de biens, c’est une véritable stratégie comptable et fiscale qui doit être déployée pour atteindre ce but.

Dans cet article, nous plongerons au cœur d’un enjeu crucial : la ventilation du coût d’acquisition d’un ensemble immobilier entre le terrain et la construction. Car c’est de cette répartition minutieuse que dépendent les possibilités d’optimisation fiscale et de réduction de la base imposable.

Qu’il s’agisse d’appliquer les méthodes reconnues par l’administration ou de maîtriser les règles d’amortissement, chaque investisseur se doit de détenir ces savoirs indispensables pour faire fructifier ses actifs immobiliers sur le long terme. Préparez-vous à découvrir les clés d’une gestion patrimoniale réussie.

 

Comptabilisation et évaluation des terrains et constructions

 

Selon le Plan Comptable Général (PCG), la distinction entre le terrain et la construction est fondamentale en raison du caractère non amortissable du terrain. Les comptes suivants sont utilisés pour la comptabilisation :

  • 2111 à 2115 : Ces comptes sont dédiés aux différentes catégories de terrains, allant des terrains nus (2111) aux terrains bâtis (2115), en passant par les terrains aménagés (2112), le sous-sol et sur-sol (2113), et les terrains de gisement (2114).
  • 212 : Ce compte est réservé aux agencements et aménagements de terrains, tels que les travaux de viabilisation.

Pour les constructions, les comptes sont les suivants :

  • 2131 : « Bâtiments », pour la structure principale des constructions.
  • 2135 : « Installations générales, agencements, aménagements des constructions », pour les installations internes et externes aux bâtiments.
  • 2138 : « Ouvrages d’infrastructure », utilisés pour des ouvrages spécifiques.
  • 214 : « Constructions sur sol d’autrui », dans le cas d’un Bail à Construction.

L’évaluation initiale du terrain, si elle n’est pas clairement mentionnée dans l’acte notarié, doit être estimée avec prudence, en s’appuyant sur la doctrine de l’Administration fiscale.

 

Stratégies d’amortissement et conséquences fiscales

 

Amortissement des constructions

Les constructions sont amorties sur leur durée d’utilisation estimée, ce qui permet à l’entreprise de réduire son revenu imposable. La durée d’amortissement varie généralement de 20 à 50 ans, en fonction de la nature et de l’usage des bâtiments.

Maximisation des amortissements et impact fiscal

Les régimes BIC et IS permettent aux entreprises de maximiser les amortissements des constructions pour réduire la base imposable. Toutefois, les SCI en revenus fonciers ne peuvent pas bénéficier de cet avantage et doivent se concentrer sur la déduction des charges réelles décaissées admises par l’Administration.

Les méthodes de ventilation du coût d’acquisition selon le conseil d’État

Dans deux décisions de principe rendues le 15 février 2016, le Conseil d’État a établi un cadre rigoureux pour la ventilation du coût d’acquisition d’un immeuble entre la valeur du terrain et celle de la construction. Cette ventilation est cruciale car seule la partie « construction » peut faire l’objet d’un amortissement fiscal, permettant ainsi de réduire le résultat imposable.

 

Afin d’assurer une approche homogène et objective, le Conseil d’État a imposé l’application successive de trois méthodes dans un ordre prioritaire. Les dispositions suivantes doivent être respectées :

 

La méthode comparative basée sur des transactions immobilières

Cette première méthode constitue l’approche privilégiée par le Conseil d’État. Elle consiste à se fonder sur des comparaisons avec des transactions récentes portant sur des terrains nus, c’est-à-dire non bâtis.

Pour être valables, ces transactions comparables doivent remplir plusieurs conditions :

Situation géographique similaire à l’immeuble concerné

Droits à construire équivalents (ex : mêmes règles d’urbanisme)

Dates de transaction proches de la date d’entrée de l’immeuble au bilan

 

En pratique, ce niveau d’exigence dans la comparabilité des transactions rend cette méthode difficile à appliquer, notamment dans les zones urbaines denses où les terrains nus se font rares.

 

La méthode du coût de reconstruction

À défaut de pouvoir appliquer la méthode comparative, l’administration fiscale doit alors se baser sur une estimation du coût de reconstruction de la construction à la date de son entrée au bilan du contribuable.

Cette estimation doit prendre en compte :

Le coût réel de reconstruction à neuf des bâtiments et ouvrages.

Les éventuels abattements à appliquer pour tenir compte de la vétusté et de l’état d’entretien des constructions existantes.

La valeur de la construction étant ainsi déterminée, la valeur résiduelle du bien correspond à celle du terrain.

 

Si cette méthode paraît plus aisée à mettre en œuvre, elle soulève des difficultés d’évaluation, notamment pour les biens anciens ou de caractère requérant une approche spécifique.

 

La méthode basée sur les données comptables d’autres contribuables

Cette troisième méthode intervient en dernière alternative, lorsque les deux premières ne peuvent être appliquées de manière satisfaisante. Elle consiste à s’appuyer sur les taux de ventilation terrain/construction observés dans les bilans d’autres contribuables.

Le Conseil d’État pose cependant des conditions strictes :

Utilisation d’un échantillon « pertinent » en nombre de données

Les immeubles retenus doivent présenter des caractéristiques comparables (localisation, type de construction, état d’entretien, possibilités d’agrandissement, etc.)

Les dates d’entrée au bilan des immeubles comparables doivent être proches de celle de l’immeuble concerné

 

Cette méthode soulève des interrogations pratiques, notamment sur l’accès à des données comptables détaillées d’autres contribuables, que l’administration sera souvent la seule à pouvoir exploiter.

 

Le droit à la preuve contraire pour le contribuable

 

Quelle que soit la méthode retenue par l’administration, le Conseil d’État précise que le contribuable dispose d’un droit à la preuve contraire. Celui-ci peut ainsi :

Démontrer que le choix de la méthode ou sa mise en œuvre par l’administration est erroné

Justifier sa propre ventilation par d’autres éléments que ceux invoqués par l’administration

Ce droit à la preuve contraire est essentiel pour permettre au contribuable de défendre sa position en cas de contrôle fiscal portant sur la ventilation retenue.

 

En définitive, les méthodes imposées par le Conseil d’État ont pour objectif de rationaliser les pratiques en la matière. Cependant, leur application concrète soulève de nombreuses difficultés techniques qui rendent indispensable une analyse au cas par cas des situations patrimoniales des contribuables.

 

Gestion des autres dépenses liées à l’acquisition

 

Comptabilisation des dépenses annexes

Les dépenses telles que les droits au bail, les pas-de-porte, et les frais d’acquisition doivent être comptabilisées avec soin. L’entreprise peut choisir de les inclure dans le coût d’acquisition de l’immeuble ou de les comptabiliser immédiatement en charges (6221, 6226, 6227, 6354).

Dépréciation et amortissement des autres actifs

Les agencements et aménagements (2135) sont amortissables et doivent être distingués de la structure principale des bâtiments (2131).

 

Conclusion

 

En conclusion, la ventilation du coût d’acquisition entre le terrain et la construction est un exercice décisif pour tout investisseur immobilier soucieux d’optimiser sa situation fiscale. Les trois méthodes préconisées par le Conseil d’État (comparaison de transactions immobilières, estimation du coût de reconstruction, analyse des pratiques comptables de contribuables) doivent être appliquées avec rigueur et idéalement dans cet ordre.

Le choix de la durée d’amortissement de la construction est également primordial, puisqu’il détermine le rythme auquel les déductions fiscales pourront être opérées. Combiner à la perfection ventilation et amortissement permet de réduire significativement la base imposable sans s’exposer à des redressements.

Si ces problématiques techniques peuvent sembler ardues à appréhender, ne perdez pas de vue que des experts-comptables qualifiés sauront vous guider vers les meilleures stratégies patrimoniales. Avoir les bons conseils à chaque étape sera la clé pour transformer durablement vos investissements immobiliers en sources intarissables de profits et de liberté financière.

 

Sources :

  • Article 39 du Code général des impôts
  • Article 38 quater de l’annexe III du Code général des impôts
  • Bulletin officiel des finances publiques – Impôts, BOI-BIC-AMT-10-20, § 80 et suivants
  • Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 93
  • BOFiP-Impôts n°BOI-BIC-AMT-10-20-10-20120912 du 12/09/2012
  • Conseil d’Etat, 1ème – 6ème chambres réunies, 15/02/2016, 377119, Inédit au recueil Lebon